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ANDRIANT : 1908-1911

Extrait de ses écrits destinés à ses petits enfants :

[…] aller flâner dans les champs qui bordaient la Seine ou jouer aux indiens dans l’île St Germain, pas une seule maison ne s’y élevait ! Ce n’étaient que buissons et champs. Même, certains jours, nous poussions jusqu’aux champignonnières de Clamart, pour y marauder des fraises dans les champs voisins. Et bien pis, à pied, car il n’y avait qu’un tramway à traction chevaline “la Tortue” qui toutes les heures faisait le trajet Pont de Billancourt – Eglise de Boulogne. Les grandes vacances étaient pour nous une époque bénie. J’allais néanmoins une année une seule fois, passer deux mois dans les Vosges avec une colonie scolaire et une autre année en Normandie chez ma tante Piquot, une sœur de ma mère.

J’en reviens à ma vie d’écolier. En raison de mon jeune âge, je dus rester trois années consécutives dans ce cours supérieur A. J’obtiens le certificat d’étude en 1907, je fut le premier du canton, et l’année suivante en octobre 1908 j’entrai comme boursier à l’Ecole Primaire Supérieure J-Baptiste Say. J’avais été reçu 2° au concours d’entrée, ce qui me valu la bourse de demi-pension. Et je restai à JBSay pendant trois années de Octobre 1908 à juillet 1911. Vous trouverez encore dans la bibliothèque de Tantine des bouquins de prix de cette époque (Math, Français, Morale, Anglais, Histoire et Géographie). J’étais un passionné de lecture et vous en reparlerais plus loin.

Qu’allais-je faire ? Une cousine de ma mère, institutrice dans le VII arrt, me conseilla de passer l’Ecole Normale. Je suivis ce conseil et fus reçu 7° sur 40 admis. C’était un concours sévère; 390 candidats venus des ES parisiennes; 80 reçus à l’écrit; l’oral se passait à l’E.N. rue Molitor et il y avait encore 40 blackboulés. Je me souviens très bien qu’interrogé à l’oral en français, j’ai dis froidement à l’examinateur que j’avais lu tout le théâtre de V. Hugo, et même plusieurs fois. Et pour cause, il n’y avait que guère cela ou presque dans la modeste bibliothèque paternelle ! Et le professeur put se rendre compte pendant une demi heure que je ne mentais pas. Bref, c’est ainsi que j’entrais à l’E.N. en octobre 1911. J’allais avoir 16 ans le mois suivant.

De ce séjour à l’Ecole Normale d’Auteuil, que vous dire ? Que la discipline y était très sévère, tous les jours, hiver comme été et aussi le dimanche, reveil à cinq heures à la cloche. Obligation d’aller aux lavabos le torse nu, puis étude de 5h30 à 8h. Déjeuner café au lait et pain sec à discrétion de 8h à 8h15 (il était interdit d’apporter à l’école du chocolat ou du beurre). Puis nous faisions les chambres, dortoirs, salle de classe nettoyage au balai et à la sciure humide. ensuite cours de 9h à 12h. […]

 

Andriant était orphelin d’un père ouvrier chez Renault. Sa mère était donc obligée de travailler pour ses trois enfants et était “femme d’asile”, c’est à dire qu’elle faisait le ménage dans ce qui n’était pas encore les écoles maternelles.Reçu au lycée, celui-ci lui fut déconseillé à cause de ses origines sociales, et il a donc suivit le parcours des enfants pauvres qui avaient la chance d’être “bons”  à l’école : Ecole Primaire Supérieure puis Ecole Normale. Il perdit nombre de ses camarades de l’Ecole Normale et de Jean-Baptiste Say lors de la première guerre.